sabato, novembre 10, 2012

Alberto Giacometti

Il regrette les bordels disparus. Je crois qu'ils ont tenu-et leur souvenir tient encore-trop de place dans sa vie, pour qu'on n'en parle pas. Il me semble qu'il y entrait presque en adorateur. Il y venait pour s'y voir à genoux en face d'une divinité implacable et lointaine. Entre chaque putain nue et lui, il y avait peut-être cette distance, que ne cesse d'établir chacune de ses statues entre elles et nous. Chaque statue semble reculer-ou en venir- dans une nuit à ce point lointaine et épaisse qu'elle se fond avec la mort : ainsi chaque putain devrait-elle rejoindre une nuit mystérieuse où elle était souveraine. Et lui, abandonné sur un rivage d'où il la voit à la fois rapetisser et grandir dans un même moment.
 Je hasarde encore ceci : n'est-ce pas au bordel que la femme pourrait s'enorgueillir d'une blessure qui ne la délivrera jamais plus de la solitude, et n'est-ce pas le bordel qui la débarrassera de toute attribution utilitaire, lui faisant ainsi gagner une sorte de pureté.
  Plusieurs de ses grandes statues sont dorées.
 
Genet 
L'atelier d'Alberto GIacometti  

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